Nietzsche attribue la morale du faible au « ressentiment », quand le ressentiment du faible à l’égard du fort prend le dessus et lui inspire « la haine rentrée, la vengeance de l’impuissant », quand « tous ces instincts de l’homme sauvage, libre et nomade se retournent contre l’homme lui-même. Le christianisme est donc interprété du point de vue de la morale et non plus en fonction d’une théologie de la révélation. Tout homme, quel qu'il soit, à qui l'on interdit l'action, et qui de ce fait se trouve dans l'impuissance, est affecté par le ressentiment : c'est-à-dire qu'il ne peut que subir l'impossibilité de s'extérioriser. Fassin É (2017) Populisme: le grand ressentiment. Avoir du ressentiment, c'est comme boire du poison et attendre que l'autre personne meure. Plus tard, elle devient coutume, plus tard encore libre obéissance, enfin quasiment instinct : alors, comme tous les comportements naturels et depuis longtemps habituels, elle est liée au plaisir – et porte désormais le nom de Vertu. Ferro M (2007) Ressentiment dans l’histoire (Le): Comprendre notre temps (Vol. Le « ressentiment », et Nietzsche en fait ici la véritable théorie, est ce sentiment engendré par … Comme toutes les affections bienveillantes sont accompagnées d'émotions agréables, toutes les affections malveillantes sont accompagnées d'émotions pénibles. Encore une fois, le choix que je fais (...), je pars du principe que c'est du domaine du pari pascalien, que c'est un choix éthique, c'est une fonction régulatrice ». Dans son fameux traité sur le ressentiment dans la morale, Max Scheler proposait la graduation affective suivante en direction du ressentiment : sentiments et impulsions de vengeance, haine, malice, envie, jalousie et hargne. Ressentiment et Apocalypse. Mais elle a besoin pour cela d'une conception sentimentaliste de l'esprit, dont M. Slote souhaite jeter les fondements. La morale ne peut être inconditionnée, et ce pour deux raisons : –          Tout d’abord, en tant que valeur et position de valeur, l’affirmation morale doit être ramenée à la vie, à ce que Nietzsche appelle la volonté de puissance, soubassement de toutes les valeurs. C’est au milieu du xixeiècle que le terme de s ressentiment en vient à désigner spécifiquement un tel état psychologique3. Dans la Généalogie de la morale, il explique comment est apparue la morale. RESSENTIMENT, se dit figurément en Morale, des sentiments de l'ame, quand elle est émeuë de certaines passions. On peut effectivement envisager qu’une majorité de gens faibles se soient associés pour créer une morale qui rabaisserait les forts. –          Puisqu’on est trop incompétent pour gagner beaucoup d’argent, on va dire que gagner beaucoup d’argent est une mauvaise chose. (Rachegefühl und … Dans cet épisode de l’Evangile de Luc, Nietzsche voit la proto-version de la morale du ressentiment : le pharisien est puissant et se pose comme juge sur les plus faibles = sa justice et sa bonté sont suspectes, sont à inverser ; la femme pécheresse est plus bas que la terre et ne prétend à rien = sa bassesse sociale est le signe infaillible de sa supériorité morale. E. Blondel. Le ressentiment individuel est plus fort quand il vise un individu proche ou intime. La notion a également été travaillée à partir des années 1960 par René Girard[27], qui identifie le ressentiment à l'envie à l'égard d'un modèle scandaleux, estimé comme un indépassable obstacle à l'accomplissement du désir. Son propos se veut ouvertement « polémique » (c’est même le sous-titre du livre) et en rupture avec les valeurs traditionnelles. », « le monde est foncièrement déterminé par le mal, donc nous lui sommes supérieurs. Girard évoque également les idéologies du ressentiment (le communisme, l'anti-sémitisme, et plus généralement tous les « anti- » quelque chose…) sur le même thème, alors que la Bible et le christianisme « crucifiés » par Nietzsche et plusieurs auteurs modernes lui apparaissent au contraire comme porteurs de la vérité des sentiments. Ce fait a pour conséquence que la valeur de la morale doit être elle-même évaluée : comme elle tient sa valeur de la vie, est-elle le produit d’une vie puissante, ascendante, ou au contraire d’une vie qui a pour seul but de sa fuir et de se nier elle-même ? C’est pourquoi les « bonnes actions » font partie intégrante de cette vie affective proprement humaine : « Que de plaisir fait la moralité ! Ce serait comme dire que le maître est dépendant de son esclave. Un renversement de valeur, une inversion de ce que l'on considère comme le ressentiment et le surhomme. Nietzsche lui-même apparaît à Girard comme particulièrement « ressentissant » (par exemple à l'égard de Wagner, qu'il admirait avant de l'attaquer), et la tension entre le mépris pour les « esclaves » et sa propre situation devient un paramètre explicatif de la folie de Nietzsche. Une telle mentalité du ressentiment se retrouve par exemple dans les idéologies qui se définissent par rapport à un « ennemi » réel ou supposé : l'ennemi (ou la cause de l'impuissance) est jugé comme cause libre du mal ; et par opposition, celui qui subit s'attribue une supériorité morale imaginaire, ce que Nietzsche résume ainsi : « ils sont méchants, donc nous sommes bons. Le ressentiment désigne, en philosophie et en psychologie, une forme de rancune mêlée d'hostilité à ce qui est identifié comme la cause d'une frustration. Langue F (2014) Ressentiment et messianisme du temps présent vénézuélien. Le Seuil. Taguieff, Pierre André (1988) La Force du préjugé, Paris: La Découverte. Le commun ne cesse de répéter que le bonheur est le but de la vie, qu’il faut donc tout faire pour être heureux, et qu’on peut estimer avoir bien vécu quand la vie qu’on a menée peut globalement relever de cette idée. La reconnoissance est un ressentiment qu'on a du bien que quelqu'un nous a fait. Nietzsche [10] Morale aristocratique et morale du ressentiment. L’homme du ressentiment mène une vie de ressentiment. Ce qui procure du plaisir et du déplaisir n’existe pas, comme le proposent tous les moralistes, par nature, mais exige réussite, victoire sur soi-même, action, habitude. Elle estime que « la traduction politique du ressentiment (populisme...) ne produit pas une action politique viable. « C’est bien la faute à quelqu’un si je vais mal » (Généalogie de la morale). Tout est devenu, et par conséquent toute valeur n’existe que sur la base d’une histoire. L’homme est la créature des valeurs, et aucune valeur, morale, religieuse, ou scientifique, ne peut être révélée ou valoir inconditionnellement. Il rumine sa vengeance qu'il ne peut mettre à exécution et qui le taraude sans cesse. Citations avec ressentiment. La faiblesse, au contraire, ne parvient pas à s'en débarrasser (par exemple, quand le désir de vengeance devient une obsession, ou encore quand le regret d'un acte devient une torture morale qui ne laisse plus la pensée en repos), et elle transforme alors ses frustrations à son avantage en trouvant des justifications à son impuissance, par la dénégation et le renversement axiologique : cette volonté de se trouver des justifications caractérise précisément la mentalité d'« esclave », selon Nietzsche. ], ce substantif spécialisé pour « rancune » n'a plus de rapport sémantique avec le verbe dont il dérive. Nietzsche bien évidemment dans La Généalogie de la morale : « L’homme du ressentiment n’est ni franc, ni naïf, ni loyal envers lui-même. Le ressentiment peut survenir dans diverses situations, défiant l'estime de soi, avec un sentiment d'injustice ou d'humiliation. Comme ça personne ne fera mieux que nous. De telles personnes, comme Stavroguine dans Les Démons de Dostoïevski[28], Roméo et Juliette ou les idoles du star-système, non seulement ne sont pas supérieures, mais elles sont au contraire suprêmement dépendantes des sentiments d'autrui pour nourrir les leurs, au risque, lorsqu'elles sont livrées à elles-mêmes, du suicide et des mondes artificiels. C’est une morale de jaloux. Greenfeld L (1990) The formation of the Russian national identity : the role of status insecurity and ressentiment. Commentaire Traduit ( héroi-comiquement ) par Boileau (le Lutrin, I, 12) : « Tant de fiel entre-t-il dans l'âme des dévots ? Essai sur l'antisémitisme nazi: Essai sur l'antisémitisme nazi. Le point de vue de Nietzsche, beaucoup plus révolutionnaire qu’il n’y paraît si on se fie à sa formulation plutôt modeste, consiste à soutenir qu’il faut s’abstenir de tout jugement moral si on veut savoir ce qu’est la morale. Nous sommes tous « réactifs » au sens indiqué avec mépris par Nietzsche, y compris et même à commencer par les êtres qui, apparemment, sont supérieurs au sens nietzschéen. Pour Nietzsche, dans Généalogie de la morale, le ressentiment est une perversion morale trouvant son origine dans l'ancien conflit culturel et religieux entre romains et juifs et donnant naissance à l'idéal ascétique. Nietzsche met en évidence une contradiction indépassable entre la vie et la morale, contradiction qu’il s’acharne à débusquer dans les valeurs les plus élevées comme dans les plus infimes détails de la vie humaine. Selon lui, « le grief remâché devient le mode exclusif de contact avec le monde, tout s'y trouve rapporté, il sert de pierre de touche et de grille herméneutique. Pour aller plus loin (niveau supérieur L1). Car c'est le ressentiment qui impliquerait ici le sérieux et la profondeur : dans le ressentiment, du moins, le cœur est engagé, et c'est pourquoi il prélude au pardon cordial[24]. Une morale de ressentiment. Éditions Textuel. Il ressentiment che nasce in noi per l'offesa fatta ad altri si chiama propriamente indignazione. Les nazis se sont réappropriés ses œuvres (« le surhomme », « la volonté de puissance ») d’où sa mauvaise réputation (il faut bien préciser que Nietzsche n’a jamais été nazi et qu’il n’a jamais prôné l’anti-sémitisme). Pour Nietzsche, les êtres de ressentiment sont une race d'homme pour qui « la véritable réaction, celle de l'action, est interdite et qui ne se dédommagent qu'au moyen d'une vengeance imaginaire[23]. La maîtrise des philosophes antiques, l’autonomie kantienne, l’ »auto-détermination » dont parle Fichte. Définition : Rancune, sentiment d'hostilité. Sans tomber dans une lecture caricaturale, on peut tout de même retenir de Nietzsche sa critique de la religion. Selon elle, pour sortir de la crise de la COVID-19 notamment, la collégialité va devoir un petit peu reprendre la main, dans un État social de droit. maladie de Nietzsche). » (Gai savoir, §344). Jusqu'à finir par exploser. Comparative studies in society and history, 32(3), 549-591. https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Ressentiment&oldid=178660803, Portail:Friedrich Nietzsche/Articles liés, Portail:Sciences humaines et sociales/Articles liés, licence Creative Commons attribution, partage dans les mêmes conditions, comment citer les auteurs et mentionner la licence. Dans cette « domestication des affects », on trouve le fait de « se surpasser soi-même », le fait de « se nier soi-même », le fait de « se torturer soi-même », mais aussi le fait de « prendre plaisir à soi-même ». C'est alors qu'un nouveau rapport se noue dans le contexte de ce qui a sécrété ces soulèvements ou ce renouveau.La reviviscence de la blessure passée est plus forte que toute volonté d'oubli. Il devient pathologique et émotionnellement débilitant quand il n'est pas résolu par l'action, l'acceptation, le pardon ou la réconciliation ; Il finit alors par causer une attitude chroniquement cynique, hostile et sarcastique, source de douleur morale voire de déni, déni qui freine les relations sociales harmonieuses, et cause une difficulté à passer outre, empêchant de croire aux autres, et entretenant un manque de confiance en soi, et une hyper-compensation[10]. Enfin, Nietzsche attribue comme origine à la morale chrétienne un sentiment psychologique : le ressentiment (que l’on pourrait définir comme la colère mauvaise du sentiment de sa propre faiblesse et la jalousie envieuse vers ceux qui ne le sont pas) : La révolte des esclaves dans la morale commence lorsque le ressentiment lui-même devient créateur et enfante des valeurs : le ressentiment de ces êtres, à qui la vraie … Guérir du ressentiment, un essai brillant et réconfortant qui, de Nietzsche au psychiatre anticolonialiste Frantz Fanon, ... Ici, il s’agit d’«un «cela suffit» non vindicatif, qui témoigne de l’obligation morale de passer à autre chose, pour que se déploie à nouveau un … Le ressentiment est un concept philosophique du philosophe allemand Friedrich Nietzsche. Certaines guerres, dans l’Antiquité ou au Moyen Âge, peuvent s'expliquer par le ressentiment de certains groupes sociaux à l'égard de voisins ou d'autres groupes ; il en a été de même lors de la Révolution française ou lors de la Révolution russe, sans compter les conditions psychologiques ayant contribué à l'accession d'Hitler au pouvoir en 1933 (cf. Le ressentiment, dérivé du verbe ressentir, qui est une réfection de recentement puis resentement signifie d'abord le « fait de se souvenir avec rancune, animosité », seul sens demeuré vivant. Mais cette attente peut également s'accompagner d'une disqualification des valeurs de l'oppresseur et d'une revalorisation des siennes propres, de celles de sa communauté qui ne les avait pas défendues consciemment jusque-là, ce qui donne une force nouvelle aux opprimés, sécrétant une révolte, une révolution ou encore une régénérescence. Sur la base de cette analyse, Nietzsche entreprend de démasquer la morale dans toutes les apparences qu’elle se donne : la pudeur n’a rien de naturel, mais provient historiquement d’interdits religieux ancestraux, dans la gratitude jouent des sentiments de vengeance dissimulés, dans la pitié le fait de prendre plaisir à soi-même en faisant mal, en inspirant la pitié, dans la hiérarchie des valeurs morales la volonté de renverser l’ordre social. L'isolement social qui s'ensuit peut à son tour engendrer de nouveaux ressentiments[15]. Quand le ressentiment concerne un groupe, il peut facilement alimenter des idéologies auto entretenues car limitées par des impasses selon l'ouvrage de deux universitaires canadiens (Angenot et Paterson, 1997) titré « les idéologies du ressentiment », ouvrage visant à cerner la définition et les origines du ressentiment et à produire « une phénoménologie et une heuristique du ressentiment accompagnées de réflexions et d'hypothèses sur la conjoncture culturelle contemporaine »[17] ; ces auteurs (et d'autres) en voient des traces ou marques dans le féminisme[18], l'écologisme, le populisme et certains nationalismes (qui peuvent conjointement cultiver le sentiment d'insécurité et de ressentiment) [19],[20]. –          Le programme philosophique de Nietzsche, ou sa conception de la philosophie, historique et critique, implique qu’il n’y ait plus « de faits éternels », ni « de vérités absolues ». Posted on novembre 22nd, 2013 in En master, En terminale, slider, Les agneaux gardent rancune aux grands rapaces, rien de surprenant : mais ce n’est point là une raison pour en vouloir aux grands rapaces d’attraper les petits agneaux. Ce serait nier la perspective généalogiste du dominant et du dominé, et affirmer que le lion, qui doit manger la gazelle, est dépendant de celle-ci. Nietzsche affirme ainsi, dans un paradoxe psychologique subtil, que la « soumission est un moyen puissant pour se rendre maître de soi » (Humain, trop humain, I, §139), comme il le montre à propos des figures représentatives de la morale que sont l’ascète, le saint, qui, ayant besoin d’un ennemi, trouvent un « ennemi intérieur », et forment leur personnalité, leur vouloir, leur autonomie dans la lutte constante contre cet ennemi. La dernière modification de cette page a été faite le 11 janvier 2021 à 06:14. Et donc, oui, vous avez un sentiment de ressentiment qui est plus fort ». Dans ces contextes notamment, selon Grandjean & Guénard (2012), le ressentiment est parfois devenu une « passion sociale (...) « passion irrationnelle », « expression de l'impuissance », « envie déguisée »... »[9], voire selon M. Angenot (2007) un ensemble de nouvelles figures de la rhétorique [8]. Le Passé des émotions. Gardant du bienfait seul le doux ressentiment, Il [le chien] vient lécher ma main après le châtiment (Delille, Trois règnes nature, 1808, p. 211). La notion de but … Aujourd'hui[Quand ? Le sentiment de faiblesse ou d'infériorité ou de jalousie, face à la « cause » générant cette frustration, conduit à rejeter ou attaquer la source perçue de cette frustration. Le ressentiment peut être auto-diagnostiqué grâce à des signes comme le besoin de régulation émotionnelle. 2. Publié le 10 mai 2015 par admin « La révolte des esclaves dans la morale commence lorsque le ressentiment lui-même devient créateur et enfante des valeurs : le ressentiment de ces êtres, à qui la vraie réaction, celle de l’action, est interdite et qui ne trouvent de compensation que dans une vengeance imaginaire. Girard René (1982) Le bouc émissaire, Paris, Grasset. Chez Nietzsche, sentiment de rancune et de haine propre aux faibles à l’égard des maîtres et des créateurs de valeurs : la morale du ressentiment est à l’origine de l’inauthenticité des sentiments moraux imposés par les sujets qui ont une âme d’esclave (charité chrétienne, égalité démocratique) à l’encontre de la libre activité des forts. Les adversaires qu’elles se donnent passent leur temps à ourdir des trames, ils n’ont de cesse de tendre des rets ; et comme ces menées malveillantes ne sont guère confirmées par l’observation, il faut supposer une immense conspiration », « Plus on pénètre dans le ressentiment, moins on a la capacité de le conscientiser. Très bien, tu crois que ce sont des idiots, tu les détestes à cause de leur morale, leur bonheur est la source de ta frustration et de ton ressentiment.Mais ce sont là de terribles ennemis que tu portes en toi, à la longue aussi destructifs que des balles.
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