C’est ce que veut dire Spinoza lorsqu’il utilise la formule « persévérer dans son être », qui indique, non la conservation à l’identique d’un état donné qu’il n’y aurait qu’à perpétuer, mais le processus par lequel le « sujet » concerné est amené en permanence à remettre en question et à renégocier, sans garantie aucune, ses conditions d’existence. stream 3 0 obj » (, « Conformément aux diverses connotations d’activité, les images perceptives des nombreux habitants du chêne seront structurées de manière différente. La négation de la thèse, ou l’antithèse, ne suffit pas. Or ces conditions sont et ne peuvent être que polémiques et antagoniques. Les effets deviennent des causes qui modifient leurs propres causes. Devoir être, à ce point de vue, ne se résume pas au fait de se soumettre mécaniquement à des obligations extérieures, mais consiste à être incliné par sa nature propre dans le sens d’un mouvement tendanciel dont le principe est immanent à son « sujet »33. L’opposition tranchée établie en 1978 par La fable du chêne racontée par Uexküll offre une certaine analogie avec la parabole du hérisson que Canguilhem commente dans La connaissance de la vie 40. « Nous estimons que les questions authentiquement importantes sont des questions mal posées […] Une question ne peut, en tant que telle, être que mal posée. Cf. Que signifie aux yeux de Canguilhem prendre parti philosophiquement en faveur d’un devoir-être ? L’historicité telle que Canguilhem la conçoit, suivant la leçon de Renouvier, c’est avant tout le sens du possible qui impulse un devenir : les valeurs qui confortent ce sens ne planent pas au-dessus du monde tel qu’il est, en se tenant en position de survol, elles ne prophétisent pas ; mais, en en suivant pas à pas les tours et les détours, en se glissant dans ses plis, elles en représentent la contestation interne. Marx pensait à quelque chose de ce genre lorsqu’il avançait, en vue de réduire les prétentions autotéliques de la raison, la thèse du primat de la pratique. Or, dès la thèse de médecine de 1943, Canguilhem avait pris nettement distance avec une telle manière de voir : « Vivre, c’est, même chez une amibe, préférer et exclure. Etonnamment, cette notion navigue « au milieu » de ces occurrences entre lesquelles elle balance sans fin, à l’interface du naturel et de l’artificiel. CANGUILHEM, Georges, « Milieu et normes de l’homme au travail », in Cahiers Internationaux de Sociologie, Editions du Seuil, Paris, 1947 Cet article se veut une discussion d’un ouvrage de Georges Friedmann paru en 1946 intitulé Les Problèmes humains du machinisme industriel.. Sa méthode est apparentée à la méthode « dialectique » (au sens de Hegel) et doit malgré tout en être nettement séparée. Ce qui spécifie l’humain par rapport aux autres vivants, c’est que cette plasticité est portée par lui à sa puissance maximale : l’évolution naturelle et son histoire propre, qui, il ne faut pas l’oublier, est issue de cette évolution et n’en est en fin de compte qu’une production dérivée, une « branche », lui ont donné la capacité à la fois de changer son milieu, par l’intermédiaire de la technique, et, au besoin, de changer de milieu en s’exterritorialisant, capacité dont les autres espèces ne disposent pas, du moins à ce degré et à ce rythme. C’est de cet environnement en quelque sorte négatif qu’il doit venir à bout. Lorsque, suivant sa méthode habituelle, Canguilhem a abordé le concept de milieu par le biais de l’histoire complexe de sa formation, c’est-à-dire aussi de ses transformations et de ses déformations, il lui a assigné à la fois des commencements et une origine. Cela signifie que ces vivants sont tous, chacun à sa manière, sujets de jugement, en l’absence d’une forme-sujet générale, définissable une fois pour toutes dans sa forme, à laquelle ces différentes façons d’être sujet puissent être rapportées : lorsque l’homme élabore l’idée d’une forme-sujet dotée de conscience, c’est dans le contexte propre à ses conditions d’existence qui impliquent la capacité de réfléchir et de raisonner mise en œuvre, cultivée et mémorisée au cours de sa longue histoire par Homo sapiens. philosophique originale sur le vivant et la vie au milieu du siècle dernier. endobj La confrontation s’organise autour de deux thématiques abordées de manière centrale par les deux auteurs, l’une portant sur la physiologie, le problème du réflexe et les rapports entre le vivant et son milieu, l’autre sur les notions de normal et de pathologique. Se retrouve ici la conflictualité immanente à la notion de milieu, qui fluctue entre deux pôles extrêmes, l’un objectif, neutre et indifférencié, l’autre subjectif, qualifié et valorisé. La puissance de juger s’exerce selon des types irréductibles les uns aux autres chez tous les vivants sans exception, – y compris les végétaux ; ces derniers, bien qu’ils ne disposent d’aucune mobilité ne sont pas tout à fait privés de sensibilité, donc ont, même si cette conscience n’est pas réfléchie et ne s’accompagne pas de conscience de soi, conscience de leur environnement dont ils ressentent la présence à travers les sollicitations venues de lui qu’ils perçoivent parce qu’elles ont un sens pour eux 32. Tout au long de son parcours intellectuel, Canguilhem a été aux prises avec un adversaire qui est, peut-on dire, l’ontologisme : celui-ci se manifeste aussi bien à travers l’illusion de normalité, qui ramène le normal à une catégorie de l’être, qu’à travers la représentation de la technique comme science appliquée, qui méconnaît son caractère vital d’expérience pratique associant travail, main mise et prise de risque sur fond d’aventure3, ou encore à travers l’objectivisme causal qui, grâce à une procédure d’abstraction, ramène la réalité à un ensemble de déterminations données de toute éternité, dont il ne reste à la connaissance scientifique qu’à formuler, soi-disant telles quelles, les lois. Penser, c’est donc en tout premier lieu, avant réflexion, juger, s’orienter, quitte à subir les conséquences de choix qui peuvent être, c’est même souvent le cas, malheureux, inappropriés. Penser, on n’a que trop tendance à l’oublier, est en premier lieu une activité ; davantage encore, c’est une activité qui s’effectue en contexte, et en réponse aux sollicitations transmises par ce contexte : ramenée à ses modalités élémentaires, qui ont leurs racines dans la sensibilité, – la sensibilité n’étant rien d’autre que la conscience qu’a l’être qui en dispose du contexte dans lequel il vit –, cette activité consiste à opérer en pratique des choix, sans avoir besoin pour cela de les théoriser à distance. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées. Chaque milieu découpera une certaine région du chêne, dont les particularités seront propres à devenir porteuses aussi bien des caractères perceptifs que des caractères actifs de leurs cercles fonctionnels […] Dans les cent milieux qu’il offre à ses habitants, le chêne joue de multiples rôles, chaque fois avec une autre de ses parties. En forçant le trait, on pourrait dire qu’il est alors passé d’une conception morale du devoir-être qui en renvoie la responsabilité à un sujet que sa vigueur momentanée incite à être sûr de soi, ce qui tend à l’installer dans une position de survol, à une conception au sens propre du terme biologique, pratiquée dans un esprit de surveillance, attentive aux aléas qui, qu’il s’en rende compte ou non, remettent en question la stabilité dont profite provisoirement, de façon inévitablement précaire, l’homme en bonne santé. D’autre part, Uexküll donne à penser que, à son point de vue, chaque monde conformé en rapport avec un certain type de vivant et centré sur ses besoins spécifiques se présente comme un empire autonome, enfermé dans les limites de son ordre propre, tanquam imperium in imperio, serait-on tenté de dire ; il faudrait alors traduire cette formule : « comme un empire dans l’empire », ce second empire, qui contient tous les autres, étant le monde en général. Les « idées » qui accompagnent ces manifestations spontanées, primordiales, de la pensée par lesquelles elle se ramène au fait de préférer et/ou d’exclure, risquent d’être, dirait Spinoza, fort inadéquates, ce qui ne les empêche pas, à défaut de pouvoir s’afficher et se faire reconnaître comme des idées vraies, d’être de vraies idées. La question que soulève la juste compréhension de la pensée de Canguilhem et de l’évolution qu’elle a suivie sur un demi-siècle est celle de savoir comment elle s’est située et a profilé ses allures propres, ses exigences, face à cette alternative du dedans et du dehors, de l’immanence et de la transcendance, du relatif et de l’absolu, du subjectif et de l’objectif, dans laquelle il ne serait pas absurde de voir une manifestation de la polarité de la vie. La menace de la maladie est l’un des constituants de la santé » (id., p. 217). Or, selon Canguilhem, cette interrogation n’a aucun sens si on prend en compte les conditions dans lesquelles les hérissons sont amenés à se déplacer, non pas dans l’espace en général, mais dans leur espace à eux, tel qu’il se définit en fonction des besoins et tendances des vivants qu’ils sont, c’est-à-dire précisément des hérissons : à l’intérieur de cet espace, il n’y a pas de routes, celles-ci étant tracées par les hommes à travers leur espace spécifique d’hommes modifié par les moyens des techniques humaines. Ces deux façons possibles de graphier le mot « milieu » sont indiquées par Canguilhem au bas de la p. 150 de, Considérer les vivants en les séparant de leurs milieux d’existence, c’est procéder, en théorie, à une opération d’abstraction qui, automatiquement, ôte à ces vivants leur capacité d’agir, donc en fin de compte leur puissance d’exister : de tels vivants, privés de besoins et de tendances, ne sont plus que des choses mortes. Alors, c’est par rapport à l’homme que l’ensemble des vivants se trouve évalué, ce qui incite à « nous représenter comme des animaux à valeur ajoutée »27, donc, inversement, à représenter les animaux comme des hommes à valeur diminuée, et même, si on adopte le paradigme de l’échelle des êtres, de plus en plus diminuée. Il a recherché la pierre, et il a l’habitude de la rechercher. Le normal et le pathologique ne sont pas figées, pas plus qu'elles ne sont opposées . le vivant », où Canguilhem analyse l’importation en biologie du concept de milieu de la physique et son développement dans les relations homme-milieu, organisme-milieu, dans ne uerspective p évolutionniste. Pour résumer brièvement les enjeux de cette hypothèse, elle revient à avancer que, pour Canguilhem, le milieu n’a pas seulement été un objet de spéculation, vis-à-vis duquel pût être adoptée, à distance, une attitude de survol : mais il lui a fourni le contexte, c’est-à-dire en un sens le milieu, avec les équivoques et les contrastes propres à cette chose entre toutes bizarre et incertaine qu’est un « milieu », depuis lequel, en y remplissant aussi rigoureusement que possible une fonction de surveillance, il a poursuivi son effort en vue d’assumer, en responsabilité, et dans un esprit d’exigence, la tâche de sujet philosophique et normatif de pensée qu’il s’était assignée. Partout où il y a vie […] il y a discernement et choix et donc il y a jugement. Le vivant découpe, dans le milieu abstrait de la science, un milieu qui est le sien propre et dont il est, selon une expression de Canguilhem, le « centre de référence » 1. Lorsqu’il fait ce rapprochement, Uexküll ne tient pas compte du fait que le sujet auquel il fait référence, qui se pose comme tel en rapport à l’Umwelt qu’il reconfigure autour de lui en fonction de ses valeurs propres, n’est pas, comme l’envisage Kant, un sujet mental, soumis aux règles d’une raison pure, mais un sujet corporel, d’emblée engagé dans le monde où il agit, ce qui change tout : ce sujet n’est en aucun cas un esprit tourné prioritairement vers soi, un sujet qui « se » pense, mais un être que son organisation corporelle, si elle peut être considérée en elle-même et pour elle-même d’un point de vue anatomique, met, si on la considère sur le plan de son fonctionnement, donc d’un point de vue physiologique, en rapport avec d’autres êtres naturels, vivants ou non vivants, à l’égard desquels il est amené à entretenir des rapports actifs de préférence ou d’exclusion, en formulant les exigences propres à un « devoir-être » en cours d’effectuation. »19. L’appel aux valeurs, loin d’être porté par un esprit consensuel de réconciliation, remplit avant tout une fonction corrosive de contestation. Toutefois, il ne faudrait pas croire que cette resubjectivation va dans le sens d’un retour en arrière, c’est-à-dire d’une réhabilitation de l’animisme sur lequel avait été bâtie la conception antique du cosmos : elle amène au contraire à reprendre de fond en comble, en vue de reconstruire cette notion sur de nouvelles bases, la notion de sujet en tant que principe centralisateur autour duquel un monde se dispose et s’organise, donc prend forme dynamiquement.
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